PARTIR
Aimer prendre un avion un matin glacial d’hiver pour une mission lointaine et longue
c’est mettre sa culture en bandoulière et prendre le risque de se perdre.
Perdre ses repères pour retrouver, au bout du compte, les essentiels.
Mais auparavant il faut accepter les mystères de l’inconnu, ses troubles
et ses dangers,
d’autres intelligences, d’autres cœurs, d’autres bontés, d’autres beautés.
Accepter de ne presque rien savoir des faits et gestes,
des paroles de ceux que l’on aime.
Savoir partir le cœur léger malgré les séparations, tout laisser sans rien laisser.
C’est aussi assister au spectacle de la pauvreté, impuissant.
Chercher d’autres demains, s’approcher des autres, doucement.
Aimer les soirs incertains dans une capitale inconnue, les aubes douteuses...
Préférer les flottements de l’âme aux certitudes du savoir.
Croiser le regard d’un enfant pauvre de la brousse ou celui hautain
d’une femme peulh.
Aimer les horizons qui reculent et les faire reculer si besoin est.
C’est savoir que l’on ne rentre jamais indemne d’absences au long cours.
Revenir sans jamais vraiment revenir, prendre le risque de devoir repartir, vouloir rester et partir.
Partir c’est accepter les points de non-retour.
(texte de Dominique Baumont)
Une première en rêve, en imagination,
au ras des cartes.
Une deuxième le long des routes,
dans des bus rapiécés,
dans des gares en attente
d’hypothétiques trains,
dans des hôtels douteux ou des jardins radieux.
Enfin une troisième et interminable en souvenir,
dans la présence d’instants
qui vous constituent désormais
et que rien n’y personne ne peut effacer.
Elisabeth FOCH - Journaliste française - Prix Nadal 1990
Matin à Kikwit. Bandundu. RDC
La promesse d'une expérience de
Volontariat Solidaire réussie.
Musique de Zaz "On ira"
Vidéo de Ion Eminescu
Chargé de communication à la DCC
Il y a pire que
le bruit des bottes,
il y a le silence des pantoufles.
Max Frisch
palabre à Bata - Centrafrique
Le temps d'être je veux dire. A quelques jours de mon retour en France saurais-je garder ce temps ? Oh ! le temps de vivre, je l'aurai, le temps d'être, c'est moins sûr.
Voici un article que j'avais publié il y a quelque temps sur le temps d' être.
LE TEMPS D'ETRE
On pourrait presque mettre en opposition le temps de vivre et le temps d’être.
La recherche du temps de vivre est une quête occidentale qui laisse à deviner que moins on a ce temps là, plus on court après.
On court après de manière assez comique si elle n’était dans certains cas, pathétique. Par exemple après sa journée de travail on se précipite à son club de gym, son cercle de bridge, ou toute autre activité supposée relaxante, avant de rentrer rapidement à la maison, coucher les enfants, car ce soir un couple d’amis vient dîner. Vers minuit on se couche, après avoir pris ce soir là, croit on, le temps de vivre. Le temps de vivre mais à la vitesse d’une organisation minutée, linéaire. séquentielle.
Cependant l’exemple le plus caractéristique de cette quête est le temps des vacances estivales, qui est le reflet de notre course effrénée au temps de vivre.
Il suffit de voir l’ensemble des médias, télévision et couvertures de magazines s’emparer tous les ans de l’information. Dans une accélération vertigineuse du temps il faut impérativement profiter, vite, de ce temps comme si le reste de l’année nous ne vivions pas ou mal.
Plus étrange encore, pour les plus fortunés d’entre nous nous partons une semaine ou dix jours à l’autre bout du monde dans cet espace de tension extrême qu’est le tourisme, (cf: le tourisme ) pour prendre bien entendu le temps de vivre : vingt quatre heures d’avion, des visites au pas de marathonien, quelques souvenirs, des photos…Nous avons pris le temps de vivre.
Une semaine.
Comme si le reste du temps n’était pas un temps de vivre.
Plus que celui du temps de vivre, l’Afrique est celui du temps d’être.
La question du temps de vivre ne se pose d’ailleurs pas, le temps d’être, est. On a toujours en ville ou au village ce temps d’être - ou si vous préférez ce que l’occident appelle un peu désespérément le « temps de vivre » - donnée immuable depuis la nuit des temps.
L’élasticité de son temps, son mode circulaire, nous font croire que les africains sont des paresseux, mais en fait l’ensemble de la vie, les petits et grands événements qui la rythment : la naissance, le mariage, la mort, les rituels des passages aux différents états, enfance, adolescence, adulte, le travail aux champs, à la ville, les palabres, sont indissociables du temps consacré à la spiritualité - tout est lié - donc au temps d'être.
C’est dans ce temps que l’on se ressource aux fondamentaux de celle-ci. Tout temps est temps d’être, c’est Dieu qui a fait le temps, vouloir en accélérer le déroulement est s’éloigner de la quête de la spiritualité, attitude impensable pour un africain qui serait vécue comme proche du péché originel.
Nous pourrions dans notre agitation fébrile, dans notre recherche incessante et quelque part mortifère de temps et par là-même de satisfactions exagérément matérielles - les deux sont liés -en tirer quelques enseignements.
Anne-Cécile Robert alors journaliste au Monde Diplomatique écrivait en 2005 :
« L’Afrique exprime des valeurs et des mentalités « autres » qui pourraient rendre service à un monde au bord du gouffre. Car la bataille pour la diversité culturelle - dont le continent noir constitue un de symboles les plus forts - représente en réalité une bataille pour la survie de l’humanité toute entière ».
au petit matin à Bata - Centrafrique
Léopold Sedar Senghor dans "Lettres d'hivernage"
J' AI FAIT RETRAITE
J’ai fait retraite à Popenguine-la-Sérère,
Retourné aux éléments primordiaux
A l’eau je dis au sel, au vent au sable, au basalte et au
grès
Comme la blanche mouette et comme le canard noir,
le crabe rose.
Me nourrir seulement de passion pure, comme d’un lait
et très frais de coco
M’endormir sous le souvenir de toi, au chant des
proposis des filaos.
Mais déjà tu t’es annoncée aux marées de Septembre
Forte houle d’odeurs du côté des menthes sauvages.
en arrière plan, Popenguine
"Le titre latin signifie « invaincu, dont on ne triomphe pas, invincible » et se fonde sur la propre expérience de l'auteur puisque ce poème fut écrit en 1875sur son lit d'hôpital, suite à son amputation du pied. William Henley disait lui-même que ce poème était une démonstration de sa résistance à la douleur consécutive à son amputation."
On veut bien croire William Henley, mais retenir que ce fût aussi le poème préféré de Nelson Mandela pendant ses longues années de détention lui donne à mon sens une intensité et une épaisseur toute autre.
Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière,
Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré,
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé,
En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l’ombre de la mort,
Je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur,
Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
la maison des esclaves à Gorée - vue de l'étage
Du 22 au 24 octobre se tient à Montreux (Suisse) le XIII ème sommet de la Francophonie. 56 Etats et gouvernements membres de l'OIF ainsi que 14 Etats observateurs se réunissent autour du thème "Défis et visions d'avenir".
Je vous invite à lire ce remarquable article paru dans " LE TEMPS Monde" sur l'apport considérable de l' Afrique dans la progression de l'usage de la langue française.
LE TEMPS Monde
Culture mercredi13 octobre 2010
Le français, langue africaine
"Un rapport établit à 220 millions le nombre de locuteurs francophones, en hausse. Grâce à l’Afrique
La lecture qui sera faite de ce rapport tiendra de la parfaite image du verre à moitié plein, ou vide. A quelques jours de son sommet de Montreux, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a publié mardi son étude La Langue française dans le monde 2010*. Laquelle fait état d’une hausse de 20 millions de locuteurs francophones dans le monde par rapport à 2007, le total atteignant 220 millions. Un bilan chiffré et affiné – il s’agit de gens disant lire et écrire la langue –, qui peut conforter les dirigeants. Mais qui traduit aussi une réalité moins favorable qu’il n’y paraît.
L’Observatoire de l’OIF a déjà produit de nombreuses enquêtes de ce type, mais cette fois, la méthodologie a été enrichie. Les auteurs, une cinquantaine d’experts, ont puisé dans un plus grand nombre de sources, et surtout, tenté de préciser le dénombrement des francophones; jusqu’ici, l’OIF compilait des données fournies par ses pays membres, même si dans certains cas, «le pourcentage de francophones était systématiquement repris d’un rapport à l’autre», indiquent les auteurs, ce qui conduisait à des sur- ou sous-estimations. La tâche est complexe, tant le statut du français hors de son seul territoire homogène (la France) peut varier: langue officielle, langue d’enseignement cohabitant avec les parlers locaux, voire une autre langue – c’est le cas des pays africains –, idiome d’apprentissage en plus de l’anglais, par exemple…
Différences régionales
L’OIF veut souligner que le nombre de personnes apprenant le français, ou suivant une scolarité en français, estimé à 116 millions, affiche aussi une hausse. «A relativiser», notent toutefois les experts. Les différences entre les régions du monde s’accroissent: baisse dramatique en Europe, reflux dans certains pays d’Asie, stagnation voire légère baisse américaine… et hausse africaine.
L’Afrique, surtout subsaharienne, fournit l’essentiel des augmentations constatées. En 2050, estime un chercheur, le nombre global de locuteurs pourrait avoir bondi à 500 millions. Et à ce moment-là, selon la même projection, 85% d’entre eux seront Africains. Parmi ceux qui apprennent le français, ou en français (si c’est la langue de l’école), la zone Afrique subsaharienne-océan Indien concentre déjà aujourd’hui 44% de l’effectif. L’Europe, 23%. En somme, l’expansion future du français dépendra d’abord des politiques éducatives des pays africains, et du développement de leurs systèmes scolaires."
carte de la Francophonie 2008