PETITS RIENS
Quel bonheur d’avoir devant soi une longue après-midi sans projet précis si ce n’est de vouloir visiter une ville à pieds, le meilleur moyen de l’approcher.
Pour quelques jours à Dakar, je demande en ce vendredi que l’on me dépose place de l’Indépendance, c’est central. Regardant à droite, à gauche, derrière, devant, je prends finalement devant moi, la semelle légère et audacieuse dans l’espoir un peu fou de me perdre.
La cathédrale, belle bâtisse art déco, toute blanche, repeinte l’an dernier grâce aux deniers de l’Etat sénégalais, le palais de la Présidence ancienne demeure du Gouverneur du Sénégal évidemment bien entretenu. A l’angle des rues Joseph Gomis et Carnot l’Institut Français Léopold Sédar Senghor. Une pause s’impose. Un très joli jardin ombragé orné de beaux bancs décorés jouxte le bâtiment de couleur latérite. Je ne vais pas me renseigner sur les programmes de la saison, j’habite à 80 kms de Dakar et je ne pourrai assister à pratiquement aucune manifestation, cela va me rendre mécontent et je n’ai pas envie de l’être. Je me console avec une gazelle fraîche.
La promenade se poursuit, sans but juste pour le plaisir de marcher.
Je passe devant un « salon de coiffure », si l’on peut dire. Tiens pourquoi pas, j’en ai besoin, va pour le coiffeur.
- Combien la coupe ?
- 4000.
C’est un prix pour toubab, je le sais, mais cette après-midi je n’ai pas envie de discuter. Sans être coiffeur de mon état j’ai du cependant piloter les ciseaux un peu rouillés de l’opérateur pour continuer à ressembler à un toubab justement. Ce fût un peu long, mais quelle importance ?
Je continue au gré du vent marin, on m’arrête :
- Ca va la France ?
- Bien merci et le Sénégal ?
Le passant me regarde avec insistance :
- Toi tu vis en Afrique.
Je ne sais pas pourquoi, mais je le trouve subitement très sympathique ce jeune homme ! Je prends sa remarque comme un compliment, et je crois que cela en est un. J’ai du grandir de quelques centimètres en peu de temps.
Le soleil commence à descendre vers l’atlantique, le plus grand cimetière noir du monde, il faut que je rentre, à la mission on dîne à 19h30.
Sans savoir où je suis, donc sans savoir ce qu’il m’en coûtera de taxi j’en interpelle un :
- Combien pour Mermoz ?
- 2000.
Alors là, ça ne va pas du tout, pour le coup je ne suis pas content : on ne peut pas vivre en Afrique, être reconnu comme tel et accepter ce tarif comme le premier consommateur à tempérament de voyages pesamment organisés venu !
Je toise le chauffeur :
- Laisse tomber.
Et je pars.
Quelques tours de roues plus tard, le même :
- 1500 patron.
C’est déjà mieux.
Je monte dans son taxi pour aller dîner chez les Frères.