C’est le 7décembre 1936 que disparaissait au large de Dakar, dans l’atlantique sud le mythique « croix du sud » l’avion piloté par Jean Mermoz et son équipage, messieurs Cruveilher, Ezan, Lavidallie et Pichodou mettant un terme tragique (mais pouvait-il en être autrement ?) à une des plus prodigieuses épopées de l’aéropostale.
Ils furent très nombreux à ne pas croire et pendant longtemps à la disparition du « grand » comme on l’appelait - parmi eux Antoine de Saint-Exupéry - tant celle-ci paraissait invraisemblable et injuste, contraire à sa réputation d’invulnérabilité.
Rien ne prédisposait pourtant le jeune Mermoz à devenir ce pilote hors pair qui a fait rêver plusieurs générations de gamins dont j’étais.
Né en 1901, une enfance austère, une adolescence bousculée par le premier conflit mondial, il était plus attiré par la poésie, la sculpture que par la mécanique et voulait se diriger vers le journalisme. Cependant en 1919 il échoue à l’oral du bac. N’ayant alors guère d’autre choix que celui de s’engager dans l’armée c’est sur les conseils d’un dénommé Max Delby, chanteur d’opérette qu’il signe en 1920 un engagement de quatre ans dans l’aviation. Formé à Istres, là encore il échoue et par deux fois à l’examen de son brevet de pilote pour enfin le décrocher le 2 février 1921.
Envoyé ensuite sur différentes bases, à Metz-Frescaty, en Syrie puis à Thionville où, depuis toujours peu enclin à faire carrière dans l’armée il se mit à la prendre définitivement en grippe.
Démobilisé en 1924, pilote désormais aguerrit mais sans emploi il tente vainement de se faire embaucher par une compagnie. Vainement car malgré le développement attendu de l’aviation à cette époque elle ne manquait cependant pas de pilotes démobilisés. Ce fut alors la période terrible de la soupe populaire et des minables asiles de nuit.
Ayant entendu dire que le célèbre Pierre Latécoère, le célèbre fabricant d’avions, inventeur et créateur de l’incroyable aventure de ce qu’on appellera « la ligne », c‘est à dire une liaison aérienne entre la France et ses colonies d’Afrique puis vers l’Amérique du sud, recrutait, Jean se rend à Toulouse où il fut d’abord admis comme simple mécanicien.
Mais le mythe Mermoz commence.
A cet état de l’avancée des techniques avioniques parcourir la distance Marseille-Barcelone, Barcelone-Casablanca, Casablanca-Dakar relevait de la plus périlleuses des aventures. Nombreux furent ceux qui y laissèrent leur vie. Quand une jeune femme française voulait envoyer une carte postale à son fiancé en poste à Dakar, le prix de l’affranchissement n’était pas celui du timbre mais le prix de la vie d’un homme : entre 1920 et 1923 un pilote par mois de chez Latécoère, disparaissait sur « la ligne ». Les risques encourus par ces hommes étaient insensés.
Les pannes de moteur, récurrentes, au-dessus du Sahara quand il longe l’atlantique pouvaient avoir des conséquences définitives : s’abîmer dans l’océan et s’y noyer, s’écraser au sol et par chance rester vivant mais affronter la brutalité du soleil africain, du désert mauritanien la soif, la mort à petit feu, les bandes de bandits égorgeant les pauvres hères errants, ou être fait prisonnier, ce qui arriva à Mermoz en 1928 : capturé par des Maures il pu cependant être libéré contre rançon échappant à la mort. Un épisode entre autre qui contribua à la légende lui attribuant une sorte d’immortalité. Ces compagnons périssent, lui, non.
Avant Dakar, quand il faisait escale à Saint-Louis du Sénégal, Mermoz avait pour habitude de descendre à l’hôtel de la Poste - entendez par là « l’hôtel de l’aéropostale » ce qui n’a plus grand-chose à voir avec notre bonne vieille « Poste » française - installé dans un ancien et très beau bâtiment de l’époque coloniale. Toujours hôtel, devenu un lieu de rencontre touristique je n’ai pu m’empêcher lors de mon séjour dans cette ville d’aller y boire un café dans l’ombre glorieuse du grand aviateur.
l'hotel de la poste à Saint-Louis
la modeste stèle de Jean Mermoz à Dakar