A l'entrée de ce week-end, un petit air de nostalgie me donne l'envie de republier ce texte écrit quand j'étais au Sénégal en voyage en Casamance. (Août 2010)
C’est un concours de circonstance qui a fait que mes déplacements à l’intérieur du Sénégal l’ont été la plupart du temps seul. Expérience autre que celle de voyager avec plusieurs coopérants, aventure différente qui présentent l’une et l’autre des attraits.
Arrêtons-nous aujourd’hui sur ceux en solitaire.
Indicible parfum d’aventure et d’espace, de liberté première le voyage en solitaire permet le temps de la rencontre et le temps du regard, celui de la patience et du temps que l’on perd en allant au devant de cette rencontre sans connaître le lieu ni l’heure de celle-ci.
Chemin initiatique non tracé, ou plus exactement tracé par l’humeur du moment à la découverte de l’inconnu, cet inconnu si inquiétant et si attirant aux reflets changeants et capricieux. Tour à tour exigeant et rebelle ou s’abandonnant comme une femme facile, l’Inconnu avec un grand I ne se laisse pas approcher aisément, ne se laisse jamais apprivoiser, tout juste par moment autorise-t-il une escapade dans ses méandres d’ombre et de lumière à condition de le vouloir sûrement. Sa recherche n’est pas si aisée que cela car ses adversaires - et ils sont nombreux - la peur, la fatigue réelle ou imaginaire, la certitude du danger réel ou imaginaire, une vague mollesse aussi, physique et mentale, le fait toujours s’éloigner vers des contrées qui nous semble au premier abord inaccessibles. Ces contrées là ne sont pas inaccessibles, elles sont à notre portée si on veut bien jeter aux orties nos craintes paresseuses et confortables, pratiques comme des alibis.
Le voyage en solitaire n’autorise pas l’indifférence à la différence qu’il s’agisse des paysages traversés, des populations rencontrées, des mythes et symboles de celles-ci, des cultures. Il oblige à l’attention, à la modestie au recul. Il est une quête vers une sorte de vérité, il est une approche de la vérité.
De l’île de Gorée à Saint-Louis du Sénégal et la Casamance en passant par le car de nuit qui me ramène de Tambacounda, j’ai traversé seul ces vastes territoires inconnus et par là même, ceux inexplorés de mon âme.
Le voyage en solitaire est source de joies intenses nées de petites et grandes choses, du discours cahotant d’un chauffeur de taxi, du sourire des enfants d’un quartier pauvre de Ziguinchor, de celui d'une vieille veuve édentée au regard de brousse vers le Fouta Djalon, des étendues infinies de l’Afrique berceau du monde dont je suis un citoyen.